Entretien politique Avec Christophe Euzet Député Agir de la 7eme Circonscription de l’ Herault
Comment percevez-vous l’échéance électorale qui approche ?
"Je fais partie de ceux qui n’étaient pas favorables au maintien de ces élections. Les gens ont autre chose en tête. Mais les vieux partis ont milité pour qu’il en aille autrement. Dont acte."
On vous disait partant aux départementales dans les PO. Qu’en est-il ?
"J’avais dit qu’il était possible que j’y sois candidat en effet, dans la mesure où le Premier ministre et le ministre de l’attractivité économique des territoires, Franck Riester (pour Agir), m’avaient demandé de suivre l’affaire de près, pour contribuer à une éventuelle union élargie entre les forces du centre et de la droite, autour de la majorité, cela afin de freiner l’ascension du rassemblement national. Etant donné que ce rapprochement s’est avéré impossible et que je n’ai plus aucune valeur ajoutée à apporter à la situation qui se dessine désormais, je ne serai pas candidat aux prochaines élections départementales."
Les pourparlers ont échoué ?
"Il est impossible de discuter sérieusement avec une formation au sein de laquelle les gens ne représentent plus qu’eux-mêmes et qui n’a plus aucune ossature. Le parti LR est coupé en deux mais refuse obstinément de disparaître. Il existe pourtant bien, en son sein, deux tendances politiques fondamentalement opposées : celle qui s’approche de nos idées (européistes, humanistes, libérales, réformistes) et celle qui n’a plus aucune réticence à s’associer aux thèses extrêmes du RN. Avec les seconds, nous n’avons rien à nous dire. Mais quand on discute avec les premiers, les seconds sont toujours en embuscade, prêts à s’associer avec le RN pour conquérir les postes de pouvoir ; au final, on sait jamais vraiment à qui l’on s’adresse. Pas question de s’accorder avec un parti qui ne contrôle plus la moitié (au moins) de ses troupes."
De l’extérieur, on le perçoit pourtant moins nettement que ce que vous en dites…
"On en a l’illustration un peu partout, et cette fois, je parle du pays tout entier, mais surtout de l’Hérault où je suis bien sûr très impliqué. Les partis d’ancien régime, comme Les Républicains ou les socialistes, fonctionnent encore selon les mêmes méthodes qui ont conduit à leur éviction du pouvoir en 2017. La navigation sous-marine, les louvoiements, l’esquive, la stratégie du pourrissement, des paroles non tenues, le sort réservé à des personnes qui se sélectionnent elles-mêmes au coeur d’un microcosme de la taille d’une cabine téléphonique, sont systématiquement privilégiés aux idées, aux programmes et au devenir des gens et des territoires qu’ils sont censés représenter… Ils n’ont absolument rien retenu de la leçon électorale qu’ils ont reçue en 2017 et espèrent toujours, c’est en cela qu’ils sont réellement conservateurs, le retour de l’ancien temps, celui dans lequel ils régnaient paisiblement… Ce temps-là vit pourtant aujourd’hui sa dernière représentation."
Pourquoi la majorité ne parvient-elle pas à s’implanter localement dans ces conditions ?
"D’abord, bien sûr, parce qu’une implantation locale demande par nature beaucoup de temps : ceux qui sont là depuis longtemps s’accrochent de toutes leurs forces aux réseaux
de tous les gens qui leur sont redevables. Ils veulent rester à la barre et sur le pont du navire, même s’il s’agit du Titanic. Après eux, le déluge. Mais cela tient également à des raisons structurelles, sur lesquelles chacun devrait s’interroger, dans la majorité, bien sûr, mais bien au-delà."
C’est-à-dire ?
"Il faut porter un regard lucide sur ce qui se passe dans notre pays depuis quelques années et commencer à nous projeter collectivement vers l’avenir. Voici la lecture que j’en ai : lorsque nous sommes arrivés en 2017, nous étions en quelque sorte des «représentants des gilets jaunes avant l’heure ».
Mais encore ?!
"Je veux dire par-là qu’en nous portant au pouvoir, les français ont manifesté la volonté claire de rompre avec la classe politique en place. Or, depuis ce moment, toute l’infrastructure résiste de toutes ses forces pour rétablir l’ordre ancien."
Précisez…
"L’arrivée de députés issus de la société civile à l’assemblée nationale a provoqué une hostilité immédiate de la haute administration centrale, qui nous a perçus comme un corps étranger, donc à combattre. La grande bureaucratie parisienne a vu en nous un danger immédiat et s’est refermée sur elle-même pour se préserver. Les formations politiques traditionnelles ont tiré à boulets rouges sur ces nouveaux venus indésirables qui avaient renversé la table et pris ce qu’ils considéraient comme leur propriété. Les élus territoriaux ont eu la même réaction, dans une configuration différente, mais tout aussi violente. Les baronnies locales ont tremblé sur leurs bases et n’ont eu de cesse de décrédibiliser l’action des intrus et de mettre à bas toutes les tentatives de réformes institutionnelles. L’idée a été martelée et relayée sans relâche, que les nouveaux venus étaient incompétents : un vrai travail de sape orchestré par les extrêmes (LFI, RN) et relayé par ceux qui avaient été évincés (LR, PS)… sans aucune conscience du choix des électeurs et sans aucun sens des responsabilités au regard du devenir du pays."
C’était le cas ?
"Pas du tout. Être novice signifie être inexpérimenté : en aucun cas que l’on est mauvais ou incompétent. Or, c’est sur cette confusion qu’a joué tout le système. Il y avait peut-être, comme partout, des éléments un peu plus fragiles que d’autres, mais pas plus qu’ailleurs (et en tout état de cause, pas plus qu’avant !). Globalement, la majorité parlementaire est composée de gens tout à fait capables d’exercer les compétences pour lesquelles ils ont été élus.
Pourquoi cet acharnement alors ?
C’est là que se situe la vraie question, celle du déni du vote populaire et de la confiscation de la démocratie. Le système s’est tout entier mobilisé pour ne pas permettre l’éclosion d’un nouveau personnel politique et pour refuser le changement appelé de ses voeux par le peuple français."
C’est de bonne guerre, non ?
"Oui et non. Les vieux partis se sont sentis expropriés, ils ont réagi avec hostilité pour récupérer ce qu’ils considéraient comme leur dû. Cela, si j’ose dire, est à peu près normal
en politique. Ce qui est plus ennuyeux, c’est qu’ils ne proposent depuis lors qu’un retour à « la normale », c’est-à-dire à la situation « d’avant » notre arrivée."
Et?
"Eh bien, cela est un pur déni de démocratie. Le peuple a voté pour que les choses changent fondamentalement : surtout pas pour qu’elles redeviennent « comme avant ». Et l’on sait très bien, au regard de l’histoire, ce qui se passe quand un système refuse obstinément ce que lui demande la société. Elle se crispe, se tend, jusqu’à l’implosion et l’ouverture de périodes troublées. J’ai souvent l’impression que nous sommes dans les années 1780… On ne peut pas refuser durablement aux peuples ce qu’ils appellent de leurs voeux."
Comment voyez-vous l’avenir dans ce contexte ?
"Nous allons vivre une nouvelle consultation électorale en trompe l’oeil : les formations politiques comme « les républicains » à droite ou « le parti socialiste » à gauche, n’en finissent pas de mourir et vont probablement, pour la dernière fois, tirer un menu avantage de leur implantation historique. Certains vont même penser (ils le pensent déjà, à tort) que la parenthèse réformiste va se refermer (ils s’en réjouissent parfois par avance, sans aucune modestie). Mais comme les partis traditionnels sont par ailleurs dans l’impossibilité totale de renouveler leur personnel politique (aujourd’hui vieillissant et famélique) et qu’ils n’offrent plus la moindre perspective ou un quelconque projet de société (au-delà des seules personnes qu’ils ont vocation à promouvoir), ils vont assurément concéder beaucoup de terrain aux votes qui incarnent les nouvelles utopies (l’écologie politique irraisonnée, chez EELV) ou les anciennes (la solution nationaliste, qui est incarnée par le Rassemblement National, n’apporte pourtant de son côté aucune solution concrète aux problèmes qu’elle dénonce…)."
Et la majorité dans tout cela ?
"Le moment est peu propice à son renforcement aux départementales, où les appareils résistent au changement en s’appuyant sur leurs réseaux de maires. Son sort sera probablement plus confortable aux régionales, où des candidatures comme celles de Vincent Terrail-Novès trouveront j’en suis sûr leur public d’électeurs. Mais l’heure de grâce de la majorité reviendra très bientôt : en 2022, le pays devra une nouvelle fois se choisir un avenir. Historiquement, le retour à un point zéro est rarissime. On ne revient jamais au de départ. Le retour aux « vieux partis » et à leurs méthodes passéistes est donc très peu probable ; il n’apporterait de toute façon qu’un nouvel engrais à la crise majeure qui nous menace, car ils n’ont rien d’autre à proposer que de conserver leur personnel politique obsolète. Le « fascisme vert » ne saurait constituer un projet de société crédible : le retour à la calèche, séduisant dans l’absolu, peinera toujours à convaincre le grand nombre d’un peuple avide de progrès. Le « fascisme rouge », lui, ne mérite même plus que l’on commente ses dérives bien connues."
Restera le RN alors ?
"Il restera, bien sûr, le Rassemblement national. Il n’a lui non plus aucune vision d’avenir : seulement des perspectives politiques individuelles pour une bonne partie des LR d’aujourd’hui (les autres nous rejoindront au centre démocratique) et des formules passe-partout pour conquérir les électeurs à moindre frais ... Le RN repose uniquement sur l’idéalisation du passé et le recours à des fantasmes qui ne nous apporteraient assurément rien de bon, notamment celui du repli souhaité sur un pays-confetti (l’hexagone), à l’heure
des mastodontes (USA, Russie, Chine…). Comment croire sérieusement que l’on puisse être plus fort tout seul ? Mais le fantasme a toujours sa part de rêve, il est attractif et il faudra lui opposer un réalisme de chaque instant. Voilà le combat de demain, vers lequel nous précipitent sans ménagement les manoeuvres grossières du parti LR aujourd’hui, qui prétend ne se distinguer du RN que par son aptitude à gouverner… Le voile se lève !"
Il vous restera quand même une carte à jouer ?
"Il restera une place prépondérante, oui, pour ceux qui défendent les vertus de la démocratie, les valeurs d’une Europe forte, d’une société orientée vers le progrès maîtrisé, du retour de l’humain au coeur de la vie sociale et l’importance des grands projets d’avenir, comme celui de la conquête spatiale. Pour ceux, en d’autres termes, qui veulent faire avancer notre pays et non pas le détruire afin de régner sans concurrence sur un champ de ruines. Tous ceux-là trouveront leur électorat en 2022, j’en suis persuadé."
Cela signifie-t-il que vous serez, personnellement, candidat à votre succession ?
"Cela signifie que ceux qui nous enterrent déjà vont un peu vite en besogne et qu’ils connaissent mal les enseignements de l’Histoire. Cela signifie également qu’ils sous-estiment gravement notre capacité de résistance et qu’il n’ont pas encore compris la volonté profonde de changement exprimée par les français en 2017, qu’ils s’emploient de toutes leurs forces à refuser. Nous sommes au travail. Plus que jamais. Au service de nos compatriotes. Pour leur avenir et celui de nos enfants. Pas pour rétablir les privilèges de ceux qui nous ont précédés. Je prendrai ma part dans ces combats : il nous faudra dominer les extrêmes en mettant à bas une deuxième fois le monde politique d’ancien régime qui refuse de regarder l’avenir en face, en espérant que ce sera la dernière. Le coup de pied dans la fourmilière en 2017 n’a pas suffi. Il faudra renouveler l’assaut en 2022. Et s’assurer, cette fois, que ce sera le bon !"