Isabelle Huppert lit Sade à Montpellier
Grande déception hier soir à l'amphi d'Ô à la lecture de Sade par Isabelle Huppert. Entendait-on aussi mal dans tout l'amphithéâtre ? Nous ne comprenions pas les fins de phrases, certains mots étaient inaudibles. Nous devinions plus que nous n'entendions. Était-ce la logorrhée d'Isabelle Huppert qui ressemblait plus à une performance qu'à un désir d'entrer en communication avec un public ? Son comportement, ce soir-là, a été plus proche de celui d'un automate que de la femme de chair que nous attendions.
Isabelle Huppert dans la peau de deux sœurs aux destins opposés
Après la lecture off de la lettre passionnée d'Anne-Prospère de Launay, belle-sœur et grande amoureuse de Sade, elle surgit du noir se dirigeant d'un pas sûr et précipité directement sur le pupitre qui supporte le livre. Aucune attention au public. Pour une lecture, le quatrième mur s'est solidement maintenu entre elle et nous. Il est vrai que son choix est de jouer plus que de lire. Elle est tour à tour, accompagnée de la lumière, Justine dans toute sa naïveté et Juliette dans toute sa rouerie, sa forfanterie mais en même temps, elle est Le Marquis, jubilant, sûr de lui quand il s'agit de Juliette, narquois, moqueur, méprisant, lorsqu'il dépeint Justine et Isabelle Huppert tire quelques rires du public. Le jeu est fin mais bien rodé, mécanique.
Reste le texte de Sade, auteur réhabilité dans les années 70 parce qu'il écrit bien. On comprend pourquoi Gilles de Rais ne l'a pas été, la muse ne l'avait pas choisi.
Des textes sélectionnés par le philosophe Raphaël Enthoven
A trois siècles de nous, le français du XVIIIe paraît une autre langue, belle, précise, descriptive, riche. Mais la pensée que véhicule Sade, reflet de ses actes que racontent les minutes de ses multiples procès, se heurte souvent à celle des lecteurs. Aux récits de Justine que l'on dit « érotiques » déferlent dans la mémoire du public d'autres récits : ceux des femmes martyrisées de toutes les guerres jusqu'à aujourd'hui et ceux que l'on découvre aussi dans les faits divers. A travers les récits de Juliette, on entend le désir de vivre plus fort que la peur, la contrainte, le châtiment qui menaçaient toutes les femmes et qui les menacent encore. Le vice, pourquoi pas, à condition que les humains impliqués soient librement consentants. Etre libre, c'est très difficile.
Publié le 20 juin 2017 par A.K.