Légendes maritimes.
Vastes, hostiles, longtemps mystérieuses, les étendues marines ont, au cours des siècles, alimenté l'imaginaire humain. Depuis la plus haute antiquité, deux légendes en particulier ont agité les imaginations, stimulé les rêveries. L'une d'elles peut rendre poétique certains états de l'élément marin, mais la logique et l'observation semblent avoir eu raison de l'autre.
En effet, aujourd'hui dans le langage courant, l'expression "serpent de mer" renvoie à un fait souvent annoncé, mais jamais concrétisé. Pourtant, le serpent de mer a tenu une place de choix dans l'imaginaire marin. Dans l'antiquité, il était raconté que le navire des Argonautes voguant vers la Colchide aperçu une jeune fille enchaînée au dessus des flots. Hésione, tel était son nom, était la fille de Laomédon. Celui-ci avait offensé Poséidon, le souverain des étendues marines qui, pour se venger, avait envoyé sur les côtes un énorme serpent dévorant femmes et enfants. Dans la légende grecque, le héros Héracles tua le monstre. Mais le serpent de mer reparut au XVI è siècle sous la plume de l'évêque d'Upsal, métropolite de Suède, Olaus Magnus grand conteur d'histoires merveilleuses. Il situait près de Bergenn l'antre du monstre. Et, pour convaincre les sceptiques, le capitaine du navire britannique Daedalus rend compte à l'Amirauté que le 6 août 1848, à 5 heures de l'après-midi, par 24°44' de latitude sud et 9°22' de longitude est, il a pu observer une créature marine filant à plus de 10 milles à l'heure "coupant la route du navire sans crainte ni peur".
Son corps aurait mesuré près de 20 mètres de long pour une circonférence de 20 cm. Le capitaine britannique rêvait-il ? Le Guide de la mer mystérieuse (éd. Tchou, E.M.O.M., 1970) ne souligne pas le fait que les dimensions sont données suivant le système métrique, ce qui jette un doute sur l'authenticité du document. A l'heure de l'exploration des plus profondes abysses, on ne rêve plus d'un gigantesque reptile marin. Mais on peut continuer à être intrigué par la légende de l'alcyon. Pour les poètes et certains savants de l'antiquité, c'est un nom générique d'oiseau de mer qu'il soit mouette, goéland ou pétrel. D'autres lui donnent l'apparence du martin pêcheur ou même du cygne. Mais tous indiquaient que l'alcyon édifiait son nid en mer. Zeus, voyant ce nid sans cesse détruit par les vents et les vagues instaura une période de calme continu, 7 jours avant et 7 jours après le solstice d'hiver, afin que l'alcyon nidifie et élève sa couvée en paix. Le nid de l'alcyon fut un thème mythologique fameux dans la littérature grecque antique, décrit même par Aristote.
A l'heure des satellites et du numérique, personne n'a localisé de serpent de mer. Les calmes alcyoniens sont dus, lorsqu'ils ont lieu, aux positions des masses d'air. Mais par un temps peu venté et une mer paisible en janvier, en Méditerranée, on peut rêver à une intervention surnaturelle.
Hervé le Blanche