Exposition « Prolifération » du 30 juillet au 21 août 2022 a l'espace Saint-Ravy
Vernissage le vendredi 29 juillet à 18h30
« Dans des anfractuosités de la roche viennent parfois s’installer des sortes de lichens ou de mousses qui en surlignent les délinéaments. Masses vaguement tachetées de loin, elles révèlent au regard attentif toute une gamme de motifs à la plastique étonnante. Les dessins de Stéphanie se déploient de manière analogue, ils s’installent sur le papier et prolifèrent en une palette de figures en constante métamorphose. Elles semblent révéler l’espace en le dévorant, jouant d’une itération patiente et méticuleuse. Stéphanie construit des trames, tisse un réseau qui prend dans sa toile des dérives organiques (par ici un rein, par là un pancréas, un foie, une vésicule biliaire ?), des éclosions végétales (un tournesol, une tranche d’ananas ?) ou des apparitions animales (une coque d’oursin, le pelage d’une bête tapie, une peau de batracien ?).
La densité et la richesse formelle ne figent pourtant pas la composition qui bouge comme ondoyant lentement dans un cours d’eau. Quelques courbes, quelques légères volutes donnent du mouvement, Stéphanie préserve du vide, des respirations, qui permettent au motif de lentes expansions toujours en cours. C’est que, quelle que soit leur nature, ces formes vivent, Henri Focillon ne l’aurait pas contredit. Elles scandent l’espace et semblent animées d’un souffle.
Si l’outil semble peu varier, la large gamme des traces qu’il laisse travaille la richesse des textures. Les espaces ponctués révèlent des surfaces granuleuses, on pourrait imaginer la rugosité d’un corail, mais l’aspect organique fait pencher pour la douceur d’une peau de pèche, le duveteux des bryophytes, la spumosité de la bière ? Les lignes convergentes rappellent certaines pilosités, mais je penche finalement plus pour des tissus musculaires, esquissant des contractions, des tensions qui larvent dans la fausse immobilité du dessin.
Certaines zones, de leur côté, accueillent des trouées ou des concentrations d’amas spiralés, grappes d’œufs de grenouilles en maturation vers l’éclosion...
Les dessins de Stéphanie constituent cet espèce de bouillon de culture dans lequel les formes se cherchent, s’expérimentent, s’hybrident et se défont. C’est une improvisation minutieuse et soignée dans laquelle l’inattendu surgit lentement, au fur et à mesure de l’entrelacement des lignes. »
Nicolas PILARD