Ambition : zéro chômeur de longue durée
Pour lutter contre la précarité et le chômage longue
durée, le Département innove dans le Lodévois.
Entretien avec Gaëlle Lévêque, maire de la commune et conseillère départementale du canton de Lodève et Sylvie Pradelle, conseillère départementale déléguée à l’économie solidaire.
Qu’est qu’un territoire zéro chômeur ?
Sylvie Pradelle : Cet engagement, qui vise à apporter une solution à toute personne privée durablement d’emploi, repose sur trois principes. Personne n’est inemployable et chacun dispose de compétences et de savoir-faire. Il y a des emplois non satisfaits
dans des secteurs en tension comme les services à la personne ou les activités liées à la transition écologique. Enfin, financer une rémunération salariale plutôt que des prestations sociales est moins coûteux et plus vertueux.
Gaëlle Lévêque : L’idée a fait ses preuves dans 10 territoires en France où elle a été expérimentée. Nous le déploierons dans un premier temps dans le Lodévois.
Comment ça marche ?
Gaëlle Lévêque : On crée des « entreprises à but d’emploi (EBE) » qui recrutent en CDI des personnes sans emploi depuis au moins un an. Leur équilibre économique est garanti par le fruit de leur activité et par le versement des prestations sociales qui auraient été allouées à leurs employés. Leur service répond à un besoin non satisfait du territoire et ne
concurrence pas le tissu économique local.
Sylvie Pradelle : L’autre atout du dispositif est l’accompagnement global de chaque nouvel employé dans la résolution de toute difficulté susceptible de fragiliser le maintien dans l’emploi telle que le logement, la garde des enfants…
Et dans l’Hérault ?
Gaëlle Lévêque : Nous avons déposé la candidature du Lodévois auprès du Ministère du Travail avec une association créée à Lodève par des chômeurs longue durée. La réponse est attendue début 2022. Le projet consiste à créer deux EBE. L’une est ancrée dans la transition écologique avec du recyclage d’objets, de la valorisation de biodéchets domestiques en compost, du maraîchage… L’autre, dédiée aux services à la personne, propose par exemple un transport à des personnes âgées ou à mobilité réduite pour de petits trajets. C’est un projet réaliste en phase avec le territoire. Avec le soutien du Département, nous avons tout pour réussir ! Dans 5 ans, nous prévoyons que ces entreprises pourront employer 200 personnes.
Sylvie Pradelle : Le Département soutient par ailleurs des entreprises sociales et solidaires, qui emploient des personnes en insertion pour des projets vertueux. Leur développement, c’est l’avenir !
Lodève, innovante et exemplaire
Les deux entreprises à but d’emploi créées par et pour les habitants de Lodève vont proposer de nombreux services en faveur des solidarités et de l’environnement.
Au départ du projet de l’EBE Transition écologique, la ressourcerie Le Recyclage lodévois qui peine à employer pour développer son activité. « Nous avons eu jusqu’à 7 salariés, mais c’est très dur de créer plus d’emplois. Avec l’expérimentation territoire zéro chômeur, nous allons pouvoir recruter des personnes en insertion pour mener des projets mis au placard par manque de temps et de personnel », explique Julien L’Hostis, coordinateur de la ressourcerie. Il s’agira par exemple d’imaginer une seconde vie aux textiles ou d’aller collecter directement en déchetterie pour réemployer plus de tonnes de déchets. « On aimerait employer une personne qui évalue ce que les gens jettent à l’entrée de la recyclerie : si l’objet est réparable, recyclable, direction la ressourcerie ! Aujourd’hui, il n’y a que Livourne qui propose ce service en France. »
Autre déchet recherché par l’entreprise : les épluchures des ménages, qu’elle se propose de venir collecter à domicile pour les transformer en compost. « Nous réutiliserons cette matière organique sur nos terres de maraîchage, dans les vergers abandonnés que nous souhaitons remettre en état de culture et chez les personnes qui nous auront confié l’entretien de leur potager », précise Samuel Truscott, directeur de l’EBE. Mais aussi : l’écoconception de textile à base de genêt utilisé jusque dans les années 50 avant d’être remplacé par des matières plus polluantes, ou un service de nettoyage pour les parents souhaitant utiliser des couches lavables.
Plus de lien social et intergénérationnel
L’autre entreprise, La Rouvière, va mettre en place tout un panel de services pour les personnes âgées. « En tant que directeur d’EHPAD, j’ai accumulé pas mal de frustrations sur tout ce qui manque aux séniors. Quand une aide à domicile passe 2h chez une personne âgée, il reste 22h de solitude… Mon objectif est de briser cet isolement, en créant des équipes qui leur permettront de sortir de chez elles, d’aller discuter sur des placettes, de faire ensemble quelques courses. C’est tout simplement donner du temps, récréer du lien social », témoigne Didier Lucas. Autre pan de son projet : la transformation des fruits et légumes bios et locaux, cultivés par l’autre EBE, pour les repas de restauration collective. « Le potentiel est important : près de 2 000 repas sont consommés chaque jour à Lodève. »
250 chômeurs de longue durée pourraient ainsi trouver du travail d’ici 5 ans, et les deux entreprises devenir le premier employeur local.