Tribune : « La gratuité des transports publics est une réponse à l’urgence sociale et écologique »
Après la tribune sur la laïcité publiée dans Marianne début février, Michaël DELAFOSSE, maire de Montpellier, Président de Montpellier Méditerranée Métropole, publie une nouvelle tribune sur la gratuité des transports publics dans L’Obs.
Il y réaffirme l'importance d'une telle mesure afin de répondre à l'urgence sociale et écologique. Après les moins de 18 ans et les plus de 65 ans, elle sera effective pour tous les habitants de la métropole fin 2023.
« La gratuité des transports publics est une réponse à l’urgence sociale et écologique »
Tribune publiée sur le site de L'Obs lundi 21 mars 2022 à 10h54
Face à l’urgence sociale et écologique à laquelle notre vieux rapport aux mobilités ne répond plus, nous ne pouvons rester sourds ou impuissants. Le prix de l’essence dépasse désormais les 2 € et affecte fortement le pouvoir d’achat des familles. Au-delà, la géopolitique du monde nous rappelle que notre dépendance au pétrole fragilise la souveraineté de la France. La réalité nous rattrape : elle est lourde.
Il nous faut faire preuve de courage et d’audace : la gratuité des transports publics est une des solutions, parce qu’elle est une puissante mesure de justice sociale et écologique. Elle est une chance immense pour les collectivités de concilier l’exigence environnementale et l’enjeu du pouvoir d’achat.
Faire le choix de la gratuité des transports publics, c’est donner l’opportunité à chacune et chacun de participer à la transition écologique tout en renforçant son pouvoir d’achat, en incitant à se déplacer différemment. Elle est une mesure concrète qui change véritablement la vie des gens, parce qu’elle permet d’économiser plusieurs centaines d’euros par an. Les politiques de mobilités menées pour préserver notre planète impliquent des changements d’habitudes importants. Nous ne pouvons exiger des sacrifices sans transformer nous-mêmes l’offre de transports publics.
Faire le choix de la gratuité des transports publics, c’est ancrer nos politiques environnementales dans le réel. C’est une opportunité pour chaque responsable public de dessiner une nouvelle vision des déplacements en ville, en offrant une alternative simple aux déplacements automobiles, permettant ainsi d’augmenter la qualité de vie et le bien-être dans la ville. Cela permet de construire une ville où l’air est respirable, où la santé des habitants est améliorée par la diminution des émissions de gaz à effet de serre.
Faire le choix de la gratuité des transports publics, c’est être au rendez-vous des exigences posées par les jeunes générations qui, quelques soient leur sensibilité, attendent des choix courageux. Notre responsabilité est de tout faire pour leur offrir une perspective, en les libérant de la dépendance aux énergies carbonées et en leur redonnant le choix. Nous leur donnons ainsi un cap, un espoir et un message de confiance en l’avenir. Proposer la gratuité des transports publics est également une manière de renforcer l’égalité car elle ne conditionne pas la mobilité à l’obtention et au financement du permis de conduire, ni au niveau de richesse.
La gratuité des transports publics s’inscrit dans le récit conquérant de notre société de progrès. Au défi de l’illettrisme du XIXème siècle, les républicains ont fait le choix de la gratuité de l’école publique. A celui de la paupérisation et de la fragilité du XXème siècle, ils ont répondu par l’universalité de la sécurité sociale pour protéger. A l’heure du pétrole cher, de la ségrégation des quartiers et de la crise climatique, le temps des mobilités nous oblige à faire, à nouveau, des choix à la hauteur des défis du siècle.
Certains portent la critique que rien n’est gratuit. Pourtant, l’usage des routes l’est, en étant financé par l’impôt : par ceux qui les utilisent comme par ceux qui ne les utilisent pas. Instaurer la gratuité des transports a bien évidemment un coût pour une collectivité ; mais la politique revient à faire des choix, et à les assumer. Plus que jamais, nous avons besoin d’imposer de nouvelles forces du changement.
D’ores et déjà, beaucoup de territoires mettent en œuvre ou expérimentent la gratuité, comme à Aubagne, Dunkerque et Montpellier, ou ailleurs dans le monde comme à Tallinn. A Montpellier, métropole de 500 000 habitants, nous avons instauré la gratuité les week-ends six semaines après notre élection, puis pour les moins de 18 ans et les plus de 65 ans toute la semaine. Dès la fin 2023, la gratuité sera effective pour tous les habitants de la Métropole. C’était une promesse phare de la campagne des élections municipales en 2020, la seule inscrite sur le bulletin de vote de notre liste, ce sera une réalité à mi-mandat.
Plus encore, la gratuité doit aller de pair avec une politique volontariste pour renforcer la qualité des transports publics. A Montpellier, un plan d’investissement massif permettra de créer un nouveau réseau de bus à haut niveau de service, une cinquième ligne de tramway, le prolongement de la première ligne de tramway ainsi que la création d’une police des transports pour assurer la sécurité. Il complète d’autres mesures importantes sur les mobilités actives, avec un plan d’investissement de 150 millions d’euros permettant la création de nouvelles pistes cyclables sécurisées, des aides à l’achat d’un vélo électrique ou encore l’élargissement de la piétonisation.
Les territoires ont l’opportunité d’être des fers de lance de la stratégie environnementale et sociale en investissant dans les transports publics. La gratuité des transports publics doit être une idée inspirante : elle est une des solutions à la crise que nous traversons. Elle est une réplique à ceux qui renoncent à la logique de progrès ou qui font la promotion de la démobilité. C’est la modernité – et l’honneur – de la gauche de savoir concilier sa réponse au coût de la vie à une réponse à la crise climatique, en facilitant la mobilité de tous, quel que soit le revenu. Nous continuons, à gauche, à être guidés par les idées de progrès et de justice tout en agissant pour la transition écologique.