Ifremer vient de publier un rapport sur le taux de pesticides dans les lagunes méditerranéennes
Sur les 10 lagunes étudiées entre 2017 et 2019, « L’étang de Thau fait partie des lagunes les moins exposées aux pesticides », observe le rapport tout en soulignant la persistance de ces substances. Les efforts réalisés par les collectivités, les agriculteurs et les jardiniers amateurs, via différents dispositifs (Vert Demain, la charte Zéro Phyto, les MAEC…) ne sont pas vains. Publiée en juillet dernier, une autre étude d’Ifremer fait d’ailleurs état d’une amélioration notable des eaux de la lagune depuis 50 ans. Cette mobilisation collective sur la protection de nos lagunes va se poursuivre. On espère que le soutien financier des partenaires tels que l’Agence de l’eau sera au rendez-vous. Pesticides dans les lagunes de Méditerranée : un nouvel indicateur permet de mieux évaluer le risque écologique
Huit lagunes de Méditerranée sur les 10 suivies dans le cadre d’une étude pilote sont contaminées par les pesticides avec un risque préoccupant pour la santé de ces écosystèmes et leur biodiversité. C’est ce que révèlent l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et l’Ifremer en partenariat avec l’Université de Bordeaux dans le rapport « Observatoire des lagunes (Obslag) Pesticides ». S’appuyant sur un nouvel indicateur de risque écologique, cette surveillance permettra d’orienter et de prioriser les actions de l’État et des gestionnaires pour réduire le plus efficacement possible l’utilisation des pesticides dans les bassins versants concernés.
Les lagunes de Méditerranée sont parmi les écosystèmes les plus riches en termes d’habitats et de biodiversité marine. Depuis 30 ans, leur état écologique global s’améliore progressivement : l’eutrophisation (entrainant des proliférations d’algues) et la pollution par les contaminants chimiques dits « historiques » (métaux,hydrocarbures, PCB, DDT…) diminuent. Néanmoins, ces milieux sont le réceptacle d’une autre contamination : les pesticides.
Une étude inédite en France : 72 pesticides suivis dans 10 lagunes méditerranéennes
Entre 2017 et 2019, l’équipe du laboratoire Environnement Ressources Languedoc Roussillon de l’Ifremer à Sète a traqué 72 pesticides grâce à des échantillonneurs passifs, capables de détecter les composés présents dans l’eau, même à très faible dose. Ces échantillonneurs ont été immergés durant 3 semaines à 3 périodes de l’année dans 10 lagunes : les étangs de Canet, de Bages-Sigean, de l’Ayrolle, dela Palme, de Thau, de Vic, du Méjean, de l’Or, de Berre, et de Biguglia.
« Les 72 substances suivies ont été sélectionnées parmi les 325 pesticides détectés dans les cours d’eau de la région lors d’une précédente étude, précise Karine Bonacina, directrice régionale de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. Nous nous doutions que leur impact écologique devait s’aggraver en aval des cours d’eau mais nous ne pensions pas que le risque dû à leur cumul serait aussi élevé pour les écosystèmes lagunaires ».
Peu exposé aux pesticides, l’étang de la Palme souffre néanmoins des effets du métolachlor. Réduire l’utilisation de cette substance dans son bassin versant permettrait de réduire le risque pour ces écosystèmes.
© Ifremer/D. Munaron
Peu exposé aux pesticides, l’étang de la Palme souffre néanmoins des effets du métolachlor. Réduire l’utilisation de cette substance dans son bassin versant permettrait de réduire le risque pour ces écosystèmes.
Les principaux résultats
À l’initiative de cette étude, Dominique Munaron, chercheur en chimie de l’environnement à la station Ifremer de Sète, explique l’originalité de ce travail : « D’ordinaire, dans le cadre des suivis de la qualité des eaux, seul le « risque individuel » d’une vingtaine de substances jugées prioritaires est évalué. Le risque pour l’écosystème intervient lorsque la concentration de l’une de ces substances dépasse sa valeur-seuil, au-delà de laquelle nous savons qu’elle est toxique pour au moins une espèce vivante.
Ici, nous avons évalué pour la première fois le risque lié au cumul de pesticides : même présents en-deçà de leurs valeurs-seuils individuelles, les pesticides peuvent voir leurs effets s’additionner et nuire au fonctionnement de ces écosystèmes lagunaires et aux organismes qui y vivent : à leur reproduction, leur développement ou encore leur immunité. Pour définir ce nouvel indicateur de risques cumulés, nous avons transposé aux écosystèmes marins les connaissances acquises sur les effets toxiques de ces mélanges sur l’Homme.
Bien que perfectible, cet indicateur appliqué de la même manière sur l’ensemble des sites permet de préciser et comparer le risque « pesticides » en fonction des lagunes, des groupes d’espèces, des périodes ou années de suivi ».
- Un risque jugé « fort » pour la santé des écosystèmes de 8 lagunes sur 10. L’étang de l’Or est la lagune où le risque lié à la présence de pesticides est le plus prégnant. Seuls les étangs de la Palme et de Biguglia présentent un risque faible.
- Entre 15 et 39 pesticides retrouvés dans chaque lagune. Aucune substance « prioritaire », n’a dépassé sa valeur-seuil au cours de l’étude. En revanche, 10 substances considérées comme « non prioritaires » l’ont franchi, occasionnant chacune un risque pour les écosystèmes lagunaires. Deux herbicides inquiètent particulièrement les scientifiques : le s-métolachlor et le glyphosate.
- Le cumul des pesticides constitue une problématique à part entière. Même si l’on parvenait à supprimer l’effet individuel des substances en réduisant leur concentration en deçà de leur valeur-seuil, l’effet du cumul des pesticides entraînerait encore un risque chronique pour 84 % des prélèvements réalisés dans le cadre de cette étude.
Un regard nouveau sur les cocktails de pesticides et leurs impacts sur les écosystèmes.
"Cette étude modifie notre regard ; elle met en lumière l’urgence de prendre en compte les cocktails de pesticides et leurs effets sur ces milieux naturels."
Karine Bonacina, directrice régionale de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse
« Avant cette étude, l’état chimique de ces lagunes était considéré comme « bon » puis qu’aucun des 22 pesticides « prioritaires » suivis d’ordinaire tous les 3 ans dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau ne dépassait sa valeur-seuil, constate Karine Bonacina. Cette étude modifie notre regard ; elle met en lumière l’urgence de prendre en compte les cocktails de pesticides et leurs effets sur ces milieux naturels. Grâce à ces nouvelles données, nous disposons d’informations concrètes pour agir en amont sur les usages des pesticides qu’ils soient d’origine agricole, urbaine ou industrielle ».
Ce nouveau protocole de suivi sera reconduit sur l’ensemble des 10 lagunes de Méditerranée ces prochaines années et pourrait être appliqué à l’avenir aux lagunes et estuaires des autres façades maritimes françaises.
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Munaron D., Derolez V., Foucault E., Cimiterra N., Tapie N.,Budzinski H., Giraud A. (2020). *OBSLAG - Volet Pesticides. Bilan2017-2019 du suivi des lagunes méditerranéennes. Rapport final*.ODE/UL/LER-LR/20.09. https://archimer.ifremer.fr/doc/00656/76769/
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Pour aller plus loin, écoutez la Parole de Scientifique sur les effets des pesticides sur le milieu marin !