Président de la République, Premier ministre : quels sont leurs pouvoirs ?


La dissolution de l'Assemblée nationale provoque des élections législatives anticipées. Il est ainsi mis fin au rythme établi depuis l'instauration du quinquennat selon lequel les législatives suivaient immédiatement la présidentielle. Dès lors, la possibilité d'une majorité parlementaire différente du parti présidentiel est plus forte.

La Constitution attribue des pouvoirs propres au président de la République, qu'il peut exercer seul, sans l'accord du Premier ministre (sans la nécessité d’une contre-signature du Premier ministre ou des ministres). Le chef de l'État :

  • nomme le Premier ministre (article 8). Ce pouvoir est important, car il oriente la politique générale du gouvernement. En période de cohabitation, lorsque le Président et la majorité parlementaire sont politiquement opposés, il est admis que le Président nomme un Premier ministre issu de la majorité parlementaire. Si cette règle n'est pas suivie, l'Assemblée nationale pourrait renverser le gouvernement par une motion de censure ; 
  • peut soumettre directement au peuple un projet de loi via un référendum (article 11) sur proposition du gouvernement ou sur proposition conjointe de l'Assemblée nationale et du Sénat ; 
  • peut prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale (article 12), entraînant ainsi de nouvelles élections législatives ;
  • peut exercer les pouvoirs exceptionnels(article 16) en cas de menace grave et immédiate contre les institutions de la République et si le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu. Le Président exerce ainsi, temporairement, les pouvoirs législatif et exécutif pour prendre les mesures nécessaires afin de rétablir l’ordre ; 
  • peut communiquer avec le Parlement (article 18) par des messages lus aux parlementaires ou prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès ;
  • peut saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité d’un traité international (article 54) ou d’une loi (article 61) avec la Constitution ;
  • nomme trois membres du Conseil constitutionnel et son Président (article 56). 

Ces pouvoirs propres confiés au président de la République visent à prévenir tout risque de blocage en cas de désaccord politique avec le Premier ministre et à assurer la stabilité et la continuité de l’État. Tous les autres pouvoirs du Président sont des pouvoirs partagés avec le gouvernement.

 

Drapeau, Patriotisme, Démocratie

Nommé par le président de la République, le Premier ministre est le chef du gouvernement. Selon l’article 21 de la Constitution :

  • il "dirige l’action du gouvernement", qui lui-même "détermine et conduit la politique de la nation" (art. 20 de la Constitution). Le Premier ministre coordonne l’action gouvernementale en arbitrant les politiques décidées dans les différents ministères. Néanmoins, il n’est pas le supérieur hiérarchique des autres ministres mais peut proposer au Président leur révocation en cas de faute grave. Afin de diriger l’action du gouvernement, il dispose de l’administration, de services propres (un cabinet et le Secrétariat général du gouvernement...). Il détient, au nom du gouvernement, l’initiative législative. Il signe le décret de présentation accompagnant les projets de loi déposés à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Il peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un projet de loi (art. 49.3 de la Constitution) ;
  • "il assure l’exécution des lois" et "exerce le pouvoir réglementaire", sous réserve de la signature par le chef de l’État des ordonnances et des décrets délibérés en conseil des ministres. Il peut remplacer exceptionnellement le Président à la présidence d’un conseil des ministres en vertu d’une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé ;
  • "il est responsable de la défense nationale" et "nomme aux emplois civils et militaires".

Depuis le début de la Ve République, à trois reprises, le chef de l’État s'est retrouvé en situation de cohabitation, la majorité parlementaire issue des élections législatives différant de la majorité présidentielle. Dans une telle situation de désaccord, les rapports de force entre les deux têtes de l’exécutif sont rééquilibrés. La Constitution de 1958 est alors appliquée à la lettre. Le chef de l’État perd sa fonction de direction de l’exécutif au profit du Premier ministre, responsable devant l’Assemblée nationale.

Comme dans un régime parlementaire classique, le Premier ministre devient le seul chef de la majorité parlementaire. Le gouvernement retrouve l’intégralité de ses attributions constitutionnelles fixées par l’article 20 de la Constitution : il "détermine et conduit la politique de la nation" et "dispose de l'administration et de la force armée". Dans ce cadre, le Premier ministre peut présenter des projets de loi, le gouvernement prépare le budget... Le Premier ministre compose son Gouvernement mais les ministres sont nommés par décret présidentiel contresigné par le Premier ministre. C’est ainsi qu’en 1986, le président François Mitterrand a refusé la nomination de François Léotard et de Jean Lecanuet pressentis par Jacques Chirac pour être respectivement ministre de la Défense et ministre des Affaires étrangères. En 1997, peu après la constitution du gouvernement de Lionel Jospin, Jacques Chirac affirmait qu’il avait été "attentif à certains postes". "Tout naturellement et traditionnellement, la défense et les affaires étrangères, la justice aussi".

Le président de la République dispose de pouvoirs propres énumérés par l'article 19 de la Constitution. Les pouvoirs partagés avec le Premier ministre (soumis à son contreseing) supposent un accord entre le chef de l'État et le Premier ministre. En cas de désaccord, l'interprétation de la Constitution est au cœur du débat, comme l'ont montré différents épisodes de cohabitation. Le rôle du président de la République, qui préside le conseil des ministres, change alors.

L'article 13 de la Constitution dispose que "le président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres". En 1986, François Mitterrand, en cohabitation avec un gouvernement de droite, refuse de signer une ordonnance sur des privatisations (tout en ayant signé la loi d'habilitation) au motif que les ordonnances "ne pourraient revenir sur les acquis sociaux, devront être peu nombreuses et les lois d'habilitation suffisamment précises pour que le Parlement et le Conseil constitutionnel se prononcent en connaissance de cause. […] La combinaison des ordonnances et de l'article 49, 3e alinéa, de la Constitution risquerait en fin de compte de réduire à l'excès la délibération des Assemblées". Le président souligne toutefois ne pas vouloir priver le gouvernement du droit de recourir aux ordonnances. Ce refus oblige le gouvernement à passer par un projet loi, plutôt que par les ordonnances.

En 2001, Jacques Chirac, président de la République en cohabitation avec un gouvernement socialiste, a pu exprimer son désaccord sur un projet de loi en retardant son examen en conseil des ministres d'une semaine. L'article 9 de la Constitution dispose que "le président de la République préside le conseil des ministres". Il décide donc de l'ordre du jour et peut ainsi bloquer certains textes

Jacques Chirac s'est appuyé sur un avis du Conseil d'État du 8 février 2001 pour refuser d'inscrire à l'ordre du jour du conseil des ministres du 14 février 2001 le projet de loi relatif à la Corse. Le président de la République "a demandé au gouvernement de réexaminer les difficultés constitutionnelles soulevées par le Conseil d'État afin que le conseil des ministres puisse délibérer d'un texte permettant la poursuite du processus de réformes en Corse dans le respect des principes fondamentaux de notre pacte républicain".

Selon l'article 15 de la Constitution : "Le président de la République est le chef des armées. Il préside les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale."

Il dispose ainsi des moyens pour assurer la mission que lui confère l'article 5 : être garant de l'intégrité du territoire.

L'article L1121-1 du code de la défense rappelle qu'il préside le conseil de défense et de sécurité nationale, de même que ses formations restreintes ou spécialisées, notamment le Conseil national du renseignement (il peut se faire remplacer par le Premier ministre).

La mission, la composition et les conditions d'engagement des forces nucléaires font l'objet de décisions arrêtées en conseil de défense et de sécurité nationale (article R*1411-1 du code de la défense).
Seul le président de la République peut donner l'ordre d'engager les forces nucléaires (article R*1411-5 du code de la défense). Le chef d'état-major des armées est alors chargé de faire exécuter les opérations nécessaires à la mise en œuvre des forces nucléaires.

L'article 21 de la Constitution dispose que le Premier ministre est responsable de la Défense nationale.

L'article L1131-1 du code de la défense précise en quoi cela consiste : "Le Premier ministre responsable de la défense nationale exerce la direction générale et la direction militaire de la défense. À ce titre, il formule les directives générales pour les négociations concernant la défense et suit le développement de ces négociations. Il décide de la préparation et de la conduite supérieure des opérations et assure la coordination de l'activité en matière de défense de l'ensemble des départements ministériels.
Le Premier ministre prépare et coordonne l'action des pouvoirs publics en cas de crise majeure. Il coordonne l'action gouvernementale en matière d'intelligence économique."

Si le Premier ministre possède un large rôle de mise en œuvre de la défense nationale, le président de la République a un rôle décisionnel déterminant.

Le président de la République a un rôle privilégié en matière de diplomatie :

Mais c’est surtout la pratique du pouvoir qui a placé le Chef de l’État au cœur de la politique étrangère : 

  • il représente la France sur la scène internationale et conduit la délégation française dans les rencontres internationales ou européennes d’importance ;
  • si le Premier ministre peut, lors d'un voyage officiel, prendre la parole à l'étranger au nom de la France, il le fait dans un cadre défini en accord avec le Président.

Toutefois, la politique étrangère ne relève pas du seul président de la République. Le Gouvernement dispose lui aussi de larges prérogatives puisqu'il détermine et conduit la politique de la Nation.

 

La procédure de révision de la Constitution est inscrite à l'article 89 C : "L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier ministre et aux membres du Parlement".

Autrement dit, deux voies se présentent pour une révision constitutionnelle :

  • en cas d'initiative de l'exécutif, on parle de projet de révision ;
  • en cas d'initiative parlementaire, on parle de proposition de révision.

Une tentative de révision constitutionnelle inspirée par le gouvernement ou le Parlement peut-elle aboutir sans l'accord du président de la République ?

Premier cas, le gouvernement propose un projet de révision au Président, à qui il revient de prendre l'initiative de réviser la Constitution : dès lors, si le Président est en désaccord avec le projet qui lui est présenté, il peut refuser d'engager la procédure de l'article 89.

Seul exemple d'application de la procédure référendaire de l'article 89 : le vote sur le quinquennat, en 2000. En l'espèce les deux têtes de l'exécutif, bien qu'en période de cohabitation, soutenaient également le projet de faire passer la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans. Le Président Jacques Chirac a donc organisé un référendum pour faire adopter la révision constitutionnelle (article 6) proposée par le gouvernement de Lionel Jospin.

Inversement, une situation de désaccord s'est produite en 1999 au sujet de la Charte des langues régionales, dont la ratification supposait une révision constitutionnelle, à laquelle le Premier ministre était favorable. Mais le président de la République refusa de prendre l'initiative d'un tel projet de révision.

On voit que pour mener à bien une révision de la Constitution par le biais d'un projet de révision, les deux responsables de l'exécutif doivent s'accorder ; l'un ne peut agir sans l'autre, ni le Président, puisque c'est le Premier ministre qui lui "propose" un projet de révision, ni le Premier ministre, puisque le Président peut refuser de prendre l'initiative de la révision ou d'engager sa ratification par la convocation du Parlement en Congrès ou l'organisation d'un référendum.

Deuxième cas de figure : l'initiative parlementaire.

En toute hypothèse, prenons le cas d'une proposition de révision constitutionnelle qui serait adoptée, à l'Assemblée nationale, par une majorité soutenant un gouvernement d'un bord politique opposé à celui du Président.

Même en admettant que le Sénat vote le texte de la proposition "dans les mêmes termes" que l'Assemblée, le président de la République n'est pas contraint par la Constitution de soumettre cette proposition à référendum dans un délai donné. Dès lors, une telle révision de la Constitution d'origine parlementaire ne prospérerait pas sans décision présidentielle expresse en faveur d'un référendum.

Dès lors, dans aucune hypothèse le président de la République ne peut se voir imposer une révision de la Constitution, ni par le gouvernement, ni par le Parlement : son accord demeure requis pour qu'une révision puisse être proposée et, le cas échéant, adoptée.

La question de l'article 11

La révision constitutionnelle est prévue par l'article 89, mais on peut mentionner la procédure prévue à l'article 11, qui permet l'adoption d'une loi (dans un certain nombre de domaines énumérés limitativement) par le biais d'un référendum.

Le général de Gaulle a fait usage de l'article 11 pour des révisions constitutionnelles, d'une part en 1962 pour modifier le mode d'élection du président de la République, d'autre part en 1969. Cet emploi de l'article 11 en matière constitutionnelle, très contesté aussi bien juridiquement que politiquement, ne s'est pas reproduit depuis.

Le président de la République étant politiquement irresponsable (contrairement au gouvernement), ses relations avec le Parlement sont limitées, mais pas inexistantes :

  • le Président peut prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale ;
  • il peut également adresser des messages à l’Assemblée nationale ou au Sénat, ou bien s’exprimer oralement devant le Congrès ; 
  • il peut demander au Parlement une nouvelle délibération sur une loi, avant de la promulguer ;
  • il ouvre et clôt, par décret, les sessions parlementaires extraordinaires (article 30 de la Constitution) ;
  • lors de l’application de l’article 16, le Parlement est dessaisi de son pouvoir législatif au profit du Président. La consultation des présidents des deux chambres est cependant requise lors de la mise en œuvre de cet article et, depuis 2008, le Parlement a un droit de regard sur sa durée d’application. Il peut saisir le Conseil constitutionnel après 30 jours ;
  • depuis 2007, en cas de poursuite du président de la République pour "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat", le Parlement constitué en Haute Cour peut prononcer la destitution de celui-ci à la majorité des deux tiers de ses membres (article 68).
 

Le président de la République ne dispose pas en tant que tel d’un pouvoir dans l’élaboration des lois. Les lois sont à l'initiative du Premier ministre (projet de loi) ou des parlementaires (proposition de loi). 

Toutefois, le président de la République exerce des prérogatives liées au processus d’élaboration des lois dans la mesure où il ouvre et clôt par décret les sessions extraordinaires du Parlement. La pratique institutionnelle fait du droit de convocation du Parlement (hors de la session ordinaire) un pouvoir discrétionnaire du président de la République. Sans son accord, le Parlement ne peut pas être réuni en session extraordinaire. 

Par ailleurs, la promulgation des lois relève de la compétence du président de la République qui dispose d’un délai de 15 jours après le vote du Parlement selon l’article 10 de la Constitution. Dans ce délai, le président de la République peut retarder la promulgation d’une loi en demandant une nouvelle délibération du Parlement sur une loi adoptée par lui ou sur certains articles. Il peut également saisir le Conseil constitutionnel qui statue sur la constitutionnalité d'un texte adopté dans un délai de un mois, ramené à 8 jours sur demande du Gouvernement en cas d'urgence (article 61 de la Constitution). 

Concernant les ordonnances, elles sont prises en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’État et nécessitent la signature du président de la République selon l’article 38 de la Constitution.

Le pouvoir de nomination est la liberté de choisir et la capacité de nommer quelqu’un dans un emploi public. Il s’agit d’un pouvoir partagé du président de la République avec le Premier ministre. Aucun des deux n’est parfaitement autonome en matière de nomination. Il y a deux exceptions :

  • le Président nomme le Premier ministre et dispose d'une complète liberté pour le choisir. En cas de cohabitation, cette autonomie peut cependant devenir théorique compte tenu de la réalité politique ;
  • le Président nomme le président du Conseil constitutionnel. Ce dernier a voix prépondérante en cas de partage.

Le Président nomme les membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions "sur proposition du Premier ministre". Ces actes exigent le contreseing du Premier ministre. Les autres nominations, celles aux emplois civils et militaires, sont régies par l'article 13 (le président est compétent pour nommer les emplois qui font l’objet d’une délibération en Conseil des ministres) et l'article 21 (le Premier ministre nomme aux emplois civils et militaires) de la Constitution.

Il s’agit donc d’une compétence liée : celle du second est sous réserve de celle du premier. Sont concernés les nominations suivantes : les conseillers d’État, le grand chancelier de la Légion d'honneur, les ambassadeurs et envoyés extraordinaires, les conseillers maîtres à la Cour des comptes, les préfets, les représentants de l'État dans les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 et en Nouvelle-Calédonie, les officiers généraux, les recteurs des académies, les directeurs des administrations centrales. Ils sont tous nommés en Conseil des ministres

L’ordonnance organique du 28 novembre 1958 complète cette liste, notamment par le procureur général près la Cour des comptes, les magistrats de l’ordre judiciaire et les officiers, les professeurs de l’enseignement supérieur, mais aussi les emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie inscription sur une liste dressée par décret en conseil des ministres.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 vise à mieux encadrer les compétences respectives du Président et du Premier ministre matière de nomination. Les lois organiques n° 2010-837 du 23 juillet 2010  et n° 2010-838 du 23 juillet 2010 déterminent une liste d’emploi ou de fonctions, autres ceux mentionnés dans l’article 13 de la Constitution, pour lesquels le pouvoir de nomination du Président requiert l’avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée parlementaire. Ainsi, par exemple la nomination par le Président des trois membres du Conseil constitutionnel, ne peut être effective que si l’addition des votes négatifs de chaque commission représente moins des 3/5e des suffrages exprimés au sein des deux commissions. Plus d’une cinquantaine d’emplois entrent dans le champ de cette procédure.