Montpellier-Cette, Messieurs Pouget.
S'il est une famille qui a joué un rôle notable à Sète sous l'Ancien Régime, c'est bien celle des Pouget. Pourtant, ce n'est pas dans la ville-port qu'elle prit de l'envergure, jusqu'à constituer un clan de notables du Montpelliérais.
Mais la lignée d'André-François Pouget est étroitement liée à l'histoire du port voulu par la royauté dont ils défendirent âprement les prérogatives.
Les Pouget sont originaires d'un bourg, aux confins du Montpellérais, situé à l'est de Clermont-l'Hérault. Ils lui ont même donné leur nom. L'origine de leur fortune est obscure. Le premier notable, François-Honoré, est titulaire d'un office de finance héréditaire, "conseiller" du roi et donc noble (noblesse de robe). D'ailleurs, son fils André-François, portera le titre d'écuyer (pas tout à fait chevalier), ce qui ne l'empêchera pas de devenir président-juge des traites et gabelles du "département" de Cette et lieutenant général de l'Amirauté, nouvellement créée en 1691. La famille avait bien contribué à la création du port. André Pouget dirigeait la manufacture royale de Villeneuvette avec une "compagnie" de financiers favorisés par Colbert et, avec son frère Honoré, figure parmi les actionnaires de la Compagnie du Levant, créée à l'incitation de l'omniprésent ministre de Louis XIV.
Cette, c'était donc un peu l'œuvre des Pouget. André-François qui dirigea l'Amirauté depuis 1692 fit un mariage en rapport avec son rang. Il épousa en seconde noces, en 1743 à 48 ans, la fille d'un officier de finance. Et un fils du lieutenant de l'Amirauté, André-Joseph, deviendra "capitaine de Sète" en 1785.
D'autres membres de la fratrie s'illustrèrent à Montpellier. Un seul restera dans l'ombre, chanoine de la cathédrale de Montpellier. Mais c'est le fils d'André-François, le premier lieutenant de l'Amirauté qui défraya la chronique en Ile singulière. Joseph-Suzanne Pouget y naquit et succéda à son père. Il cultive les lettres anciennes et montre un réel intérêt pour le monde maritime. Il aura une brillante carrière qu'il terminera de Paris à Saint Domingue, avant de mourir au large de Port au Prince en 1792. A Cette, son père avait obtenu un arrêt de justice lui donnant la préséance sur tous les autres officiers et magistrats et "un banc à l'endroit le plus honorable de la nef" à l'église. L'édit de 1706 précisait que "les juges de l'Amirauté ne sont pas des juges ordinaires" et que "la loi expresse déroge du droit commun" (article 52). En 1783, il créa un énorme scandale. En l'absence de son fils, Joseph-Suzanne, il assistait aux réjouissances de la Saint Louis. On joutait sur le canal devant les balcons des notables. Pouget envoie "4 différents émissaires" qui, "de la manière la plus impérative et même fort incivile", intiment l'ordre de faire donner "l'assaut" devant son balcon et non celui du lieutenant du roi. Il menace d'envoyer 20 fusillers pour arrêter les joutes.
Des commissaires furent nommés "pour tâcher de s'arranger avec le lieutenant de l'Amirauté". On ne sait qui gagna le tournoi, mais Pouget était bien dans son droit. Le droit du roi ?
Hervé Le Blanche