Novembre 1989. Berlin, fin de siècle.
Il y a trente ans, le mur de Berlin s'écroulait. Cet évènement important de notre histoire contemporaine met définitivement fin à l'ordre politique établi en Europe après 1945 et n'a pas fini d'avoir des conséquences dans la vie internationale. Seront-elles prolongées psychologiquement, culturellement ?
Si pour beaucoup, comme pour le grand violoncelliste Mstislav Rostropovitch, "le communisme allait durer mille ans", en 1989 des lézardes apparaissaient dans le bloc soviétique cimenté par des accords économiques et une alliance militaire. Car, en dépit de la "doctrine Brejnev" de la souveraineté limitée, le nouveau secrétaire général du PC d'Union soviétique MikhaÏl Gorbatchev n'a pas recours à la force quand, au printemps 1989, la Hongrie ouvre sa frontière avec l'Autriche. En août, un membre du syndicat chrétien indépendant Solidarnosc, devient premier ministre en Pologne. En RDA, des milliers de citoyens rejoignent la République fédérale via la Hongrie et l'Autriche. En RDA même, la contestation enfle : 200 000 manifestants défilent à Leipzig le 16 octobre 1989. Et malgré des changements à la tête du pays, à Berlin-Est d'immenses foules réclament des libertés civiles. On manifeste aussi dans une quarantaine de villes de RDA. C'est alors que le 9 novembre, le secrétaire du comité central chargé des médias fait une annonce étrange en conférence presse.
Une décision du conseil des ministres autorise les voyages privés à l'étranger sans présentation de justificatifs. Les départs peuvent se faire immédiatement à tout poste frontière avec la RFA. Aussitôt, sous la pression de la foule, s'ouvre le passage à la Bornholmer Strasse puis, après 23 heures, dans d'autres points du mur. Et le lendemain matin, c'est la ruée vers l'Ouest. En exil à Paris, Rostropovitch découvre les images de jeunes qui s'attaquent au mur devant les soldats restés neutres. Grâce à son ami, l'homme d'affaires Antoine Riboud, il gagne Berlin-Est et, au pied de la barrière ébréchée, joue "Suites pour violoncelle" de Bach sur son instrument, à la mémoire de ceux qui sont tombés en franchissant le mur.
Il avouera que l'effacement du mur l'a changé : "Si mon âme est russe, la culture d'Occident est aussi dans ma peau… Je ne suis plus l'homme d'une seule nation." Tous n'avaient pas la culture et la sensibilité de "Rostro". Mais, concrètement, l'année suivante, l'Allemagne sera réunifiée, les pays anciennement communistes d'Europe de l'Est adhéreront à l'Union européenne. En 1991, l' Union soviétique disparaîtra.
C'en était fait du totalitarisme. Et dans les pays de l'ex bloc soviétique, on circule et on vote librement. Ce sont les acquis face aux nouveaux défis de la mondialisation et de l'explosion du numérique. Ceux du nouveau siècle.
Hervé Le Blanche