Conférence au JAM "l'Intelligence Artificielle et l'Humain"
Alain FOUCARAN – Directeur de l'Institut d’Electronique et des Systèmes – unité Mixte de Recherche du CNRS et de l'Université de Montpellier forte de plus de 220 collaborateurs, a présenté le 17 décembre 2018 au Jardin Antique Méditerranéen à Balaruc-les-Bains et invité par le Conseil de développement de l'agglo - instance de démocratie participative, une conférence sur la nécessité de la mutation des usages numériques avec un « bon dosage » d''Intelligence Artificielle et d'humain.
C’est un spécialiste des capteurs et micro-systèmes et c’est à ce titre qu’il est l’auteur ou co-auteur de plus de 75 publications dans des revues internationales et de plus de 100 communications en conférences internationales et nationales. Il a dirigé plus de 22 thèses de doctorat et dirige encore aujourd’hui 2 thèses de 2 doctorat. En janvier 2013, la qualité de ses travaux de recherche sont reconnus par l’obtention de l’IBM Faculty Award et en 2015 il est nommé au grade le plus élevé de l’enseignement supérieur « Professeur des Universités de Classe Exceptionnelle ».
Pour essayer de construire une prospective à 20 ans, il s'appuiera sur un constat et deux affirmations : le constat est lié au fait que le vecteur majeur et incontournable de l'évolution et du rayonnement de l'humanité sera l'électricité : mobilité, technologies de l'information et de la communication etc... Ce constat étant posé, il donnera sa vision prospective de la prochaine décennie en formulant deux affirmations très personnelles : 1°) l'électronique, l'informatique et la robotique sont devenues indispensables à toute avancée scientifique et ce, toutes disciplines confondues. 2°) Si le XXème siècle a été le siècle des sauts technologiques - nous sommes passés de la marche à pieds à l'Espace - le XXIème sera le siècle des sauts d'usages et si l'on parle d'usage, il faut que les Sciences Humaines et Sociales soient repositionnées au centre des évolutions scientifiques – exemple du « clonage », technologie du XXème qui trouvera ses pleines applications et usages au XXIème, une fois les aspects éthiques et déontologiques traités par les Sciences Humaines et Sociales... Le questionnement associé à ces deux affirmations est le positionnement du curseur entre le « tout Intelligence Artificielle » et la part d'Humain – intégrant, lui, l'aléa, l'émotion, … et les Sciences Humaines et Sociales.
Selon Alain Foucaran, le questionnement sur le positionnement du curseur dans le dosage Intelligence Artificielle/Humain est l'enjeu majeur de la prochaine décennie et ne trouvera son bon équilibre que par une implication significative des Sciences Humaines et Sociales. Il développera un exemple à son propos mais intégralement transposable et généralisable à tous les problèmes liés au « dosage » Intelligence Artificielle/Humain : celui du véhicule autonome, 100 % électrique, 100 % connecté et donc 100 % autonome, s'appuie sur l'Intelligence Artificielle pour agir mais pour quelle part d'Humain ? quelle acceptabilité sociétale et pour quel usage ? Est-ce que la notion de « véhicule autonome connecté » ne doit pas se concevoir avec une modification radicale de l'usage du véhicule ? Ce qui doit primer c'est la mission en intégrant toutes les contraintes pour un accomplissement optimisé... Sa vision prospective s'appuie sur cette nécessaire mutation des usages qui doivent être intégralement couplés aux analyses et préconisation des Sciences Humaines et Sociales, totalement exclues actuellement des perspectives proposées et qui ne conçoivent l'interdisciplinarité scientifique qu'au travers des disciplines « dures » - physique, chimie, biologie, informatique etc... sans une contribution significative des Sciences Humaines et Sociales.
Alain Foucaran enchaîne avec une recherche innovante sur Montpellier : Que sera l’appartement de demain ? Comment l’équiper pour améliorer le bien-être des occupants ? Comment gérer juridiquement la multiplication des données collectées ? Autant de questions auxquelles le projet d’« appartement observatoire », initié par lui-même, avec l'unité de recherche montpelliéraine dynamique du droit, veut répondre. Le CNRS finance la phase d'étude. Chercheurs, universitaires et industriels se sont retrouvés au sein d'une expérience inédite consistant à étudier ce que pourrait être l'appartement du futur. L'appartement observatoire est doté d'objets connectés et truffé de capteurs (42 actuellement), chacun des partenaires ont exprimé des besoins et le but de sa recherche.
« Ce qui m'intéresse, c'est une génération qui est éduquée à vivre dans une ambiance "intelligente", déclare Alain Foucaran, et, à l'automne 2018, deux étudiantes volontaires ont aménagé dans cet appartement-observatoire, terrain d’étude d’une soixantaine de chercheurs, juristes, économistes, électroniciens, informaticiens, architectes, spécialistes des sciences du langage et du comportement, du marketing ou encore de la santé… les questions qu’ils se posent ne peuvent être explorées de manière pertinente qu’en étudiant un lieu de vie permanent. Ils ne mettront pas les pieds sur place mais les chercheurs exploiteront les précieuses données produites par les « co-HUTeurs ».- HUT : "Human at Home Project".
Concrètement, des capteurs de pression au sol et des capteurs de mouvement serviront à évaluer déplacements et gestes des occupants dans leur lieu de vie. Ces informations pourront intéresser à la fois des architectes afin d'identifier des zones évitées par les habitants et optimiser l’aménagement, et des professionnels de santé pour étudier les mouvements et postures pouvant être des marqueurs de bien-être ou de mal-être. Un comité d’éthique indépendant a été mis en place afin de protéger la vie privée des « co-HUTeurs ». Il a pour rôle d’examiner tous les projets scientifiques, et pourra à tout moment être saisi par les habitants et les chercheurs.
« Mais c'est un projet ouvert et d'autres ne manqueront pas de nous rejoindre » souligne Alain Foucaran pour terminer. Annick Pratlong