Les idées sont plus fortes que les armes

Sur les terres du Grand montpelliérain comme partout en France, les hommages de la population aux victimes de Nice ont été unanimes. En revanche, les polémiques engagées par les dirigeants nationaux  illustrent dramatiquement leur incapacité collective à se placer au bon niveau pour analyser la situation et prendre les bonnes décisions. La démagogie et les arrières-pensées politiciennes prennent le pas sur  tout le reste.

Accroître les moyens alloués aux services de police et de renseignement sont indispensables mais il faut être conscient que derrière le terrorisme se cache  l’ensemble des causes dont le terrorisme est la résultante. C’est donc aussi aux causes qu’il faut s’attaquer pour gagner la bataille

Depuis 70 ans, les conflits au Moyen-orient servent de terreau au terrorisme. Les interventions irresponsables de Bush en Irak ou de Sarkozy en Libye n’ont fait qu’aggraver  la situation. Pour les populations locales, les dommages collatéraux des bombardements sont tout aussi inhumains que les attentats en Europe. Ecraser Daesh militairement ne résoudra pas le problème. Le terrorisme repoussera ailleurs et particulièrement en Europe où le ferment existe déjà. Intensifier les bombardements dès le lendemain de l’attentat est une réaction viscérale qui ne sert qu’à donner à l’ennemi une importance qu’il n’a pas et qui incite d’autres fanatiques à perpétrer de nouveaux crimes. Comme le rappelle le général Pierre de Villiers, chef d’État-major des armées : « Une stratégie fondée sur les seuls effets militaires ne pourra jamais agir sur les racines de la violence lorsque celles-ci s’inscrivent dans le manque d’espoir, de justice, de développement, de gouvernance, de considération ».

En France, ce n’est pas la misère qui amène un  individu au terrorisme. C’est le mal être, la frustration et bien souvent le manque de courage personnel. Tous les immigrés et fils d’émigrés ne deviennent pas des criminels. Loin s’en faut. Des milliers ont réussi leur vie à force de travail et de volonté. Ils sont devenus ingénieurs, médecins, professeurs, artisans, artistes, chefs d’entreprise, infirmiers, techniciens, ouvriers qualifiés, journalistes…  Ils ne se sont pas regardés le nombril et posés en victimes permanentes. Ils ont saisi la chance de vivre dans une république qui offre à ses enfants l’école laïque et gratuite. Les médias doivent valoriser ces parcours individuels et arrêter les discours négatifs contre les musulmans sans discernement qui rappellent les discours contre les juifs des années 1930

Le fanatique religieux est un faible -  parfois même un faible d’esprit - devenu le jouet d’un clergé haineux qui lui offre un sens à une existence faite jusque-là de vide ou d’échecs. Sa certitude d’agir pour une cause juste lui donne sa raison de vivre, de tuer et de mourir. La menace d’une déchéance de nationalité apparaît alors bien dérisoire pour l’arrêter sur la route vers le paradis éternel que lui promettent les prédicateurs. Les jeunes qui se sentent rejetés dans les banlieues sont les plus vulnérables mais on trouve aussi des névrosés sans croyance bien nette ou des jeunes en quête d’idéal dans une société dominée par l’argent. Ces derniers trouvent dans la religion ce qu’en d’autres temps leurs aînés trouvaient dans l’illusion du bolchévisme. Dieu a remplacé Staline.

Par angélisme, par laxisme, voire par calcul électoraliste, la tolérance, valeur essentielle de la démocratie,  est devenue complaisance envers l’islam radical. Il est grand temps de réagir avec vigueur et de ne plus accepter les discours  qui dénigrent notre pays et nos façons de vivre. C’est en restant fidèles à nos valeurs que nous gagnerons le combat contre le fanatisme.

La liberté et la laïcité sont les premières d’entre elles. Ce sont elles qui permettent aux musulmans de notre pays de pratiquer leur religion sereinement. Les minorités d’Arabie saoudite n’ont pas cette chance.
L’égalité, une égalité réelle avec son corollaire l’équité,  est une autre valeur à retrouver tant il est évident que les inégalités trop fortes et les injustices ne peuvent qu’engendrer la violence dans la société.

Enfin, comme le proclame l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité » . Cette utopie française de fraternité adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies en 1948 nous vient du siècle des Lumières. Elle reste encore à construire en grande partie mais les enjeux sociétaux ou climatiques d’aujourd’hui en font une nécessité pour toute civilisation humaine.

Pour combattre l’obscurantisme et le terrorisme, la force, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffira pas. Il nous faut redonner un lustre aux valeurs qui ont fondé la République. Il nous faut gagner la guerre des idées et des idéaux.

 Jacques Carles