Le procès de Talleyrand par jean Tulard à Montpellier

Le mercredi 30 mai 2018, au centre Rabelais à Montpellier, le professeur Jean Tulard, à l'invitation du "Souvenir napoléonien", a instruit le procès de Charles-Maurice de Talleyrand. C'est un des personnages les plus marquants et les plus énigmatiques de l'histoire de la France de la fin du XVIIIème au début du XIXème siècle. Avec une aisance souveraine, une érudition sans faille pimentée d'un certain humour, celui qui est sans doute "la compétence absolue" concernant le Consulat et l'Empire a éclairé les épisodes de la carrière du "diable boiteux". 

Né avec un pied difforme, la griffe du diable, Charles-Maurice, bien que fils aîné d'une illustre famille, dut renoncer à la carrière des armes et entra dans l'Eglise. L'influence de sa famille et ses qualités personnelles lui permirent de devenir évêque d'Autun et agent général du clergé, chargé de tous les aspects économiques et financiers de la vie de cet ordre. Il a 33 ans quand Louis XVI convoque les Etats Généraux en mai 1789 car le déficit public est de 2 milliards de livres. Il intrigue alors avec le duc d'Orléans, plus ouvert aux nouveautés que Louis XVI, sans résultat.

 

L'assistance de la salle Rabelais, boulevard
Sarrail à Montpellier avant l'arrivée de l'historien

 

Mais Charles-Maurice va porter un coup mortel à l'Ancien Régime en proposant la nationalisation des biens du clergé, comblant ainsi le déficit. Il trahit son "ordre" et ouvre la voie à la Constitution civile du clergé dont l'acceptation ou le refus déchireront la France. Première trahison du "prince des girouettes" ou vue d'avenir ? Il aura la chance d'être à l'étranger lors de la Terreur, à Londres puis aux Etats-Unis. Il rentre en France, s'abouche avec Barras et devient ministre des Relations extérieures du Directoire. 

Curieux ministre qui monnaye ses audiences et appuie le coup d'Etat de Bonaparte, le 18 Brumaire. Talleyrand sera ministre, puis Grand Chambellan d'un Napoléon fasciné par ce rejeton de l'aristocratie, son intelligence, son talent de diplomate. Talent fort gratifiant pour Charles-Maurice, décidé à faire "d'une immense fortune, une fortune immense" et qui a des vues très personnelles sur la conduite des Relations extérieures de l'Empire. Il freine autant qu'il peut l'appétit de conquête de l'Empereur, complotant contre lui et le trahissant au profit de l'Autriche lors de l'entrevue d'Erfurt (1809). Talleyrand n'était plus ministre depuis 1807, mais il devait convaincre le tsar de tenir l'Autriche qui s'armait, une revanche d'Austerlitz. Talleyrand n'en fit rien et l'Empereur dut rentrer d'Espagne, où la résistance nationale s'affirmait et entrer à nouveau en campagne en Allemagne. A la chute de l'Empire (1814), Charles-Maurice se rallia à Louis XVIII - octroyant il est vrai une "Charte constitutionnelle" - et joua les arbitres au congrès de Vienne où les grandes puissances jetaient les bases d'un nouvel ordre européen. 

A Vienne, bonne chère, argent et talent n'aboutiront, pour la France, qu'à l'installation de la Prusse sur la rive gauche du Rhin… Charles-Maurice fut un personnage que chacun pourra juger et on pourra dire de lui, qui connut six régimes, "il a vécu".

Pour en savoir plus : le cercle napoléonien de Montpellier

Prochaine conférence avec Thierry Choffat, le jeudi 18 octobre 2018 à la Salle Pétrarque à Montpellier, "le Brave des Braves, le Maréchal Ney".